jeudi 11 janvier 2007

Dans les rues de Hankyu


Texte publié dans le cadre d'un atelier d'écriture auquel je participe depuis peu et qui est formidable: les poudreurs d'escampette (c'est sur Yahoo groupes).
Toutes les 4/5 semaines, deux sujets sont soumis à notre inspiration.
Votre histoire commence par cet incipit de Yukio Mishima:"Ce jour-là Etsuko entra dans un grand magasin de Hankyu et acheta deux paires de socquettes de laine: l'une bleue, l'autre marron"...(on pouvait modifier les noms propres)


Il régla ses achats puis sortit pour rentrer chez lui.
Du bleu et du marron, quelle drôle d'idée!
Du bleu, du marron, du marron, du bleu, mantra intérieur en
déambulant dans les rues grouillantes et criardes de la ville
tentaculaire.
Du bleu, du marron, des néons clignotants, l'ombre du vent. Etsuko
marche au rythme de ces deux couleurs: bleu, lumières et
spots;marron, ruelles perdues, contes de l'enfance.
Soudain, une sensation étrange: l'ombre du vent ébouriffe ses
cheveux, souffle le bleu des lumières et fait flotter une bannière
inconnue. Plus loin, une toute petite lumière, une lanterne de
papier, lui ouvre une porte.
Du bleu, du marron, un autre monde apparaît: une table basse, des
tatamis,un bol de thé, une calligraphie. Un doux bruissement derrière
le paravent: soie d'un kimono, papier de riz pour pinceaux?
Etsuko ôta ses chaussures, s'agenouilla et attendit. Quoi,
d'ailleurs? Lui-même ne le savait pas.
Bleu, marron, marron, bleu....
Dehors, les bambous étaient une pluie chuchotante, dedans, le silence
répondait.
Il but une gorgée de thé. Que faisait-il dans cette pièce? Il ne
savait même pas pourquoi il avait suivi la lumière de la
lanterne...une envie de se reposer des bourdonnements stridents de la
ville?
Lentement, Etsuko ferma les yeux et se retira en lui-même.
Un jardin s'offrit à lui...un autre monde, une autre vie. Graviers
marrons, galets bleus ratissés en spirale, étang paresseux où
somnolent les carpes repues. Le millenaire de la civilisation passe
sur le gong et le fait doucement tinter. Le bleu fugace d'un martin
pêcheur mêlé au marron d'une écorce, gouttelettes frémissantes dans
l'allée.
Doucement, Etsuko sortit de son rêve, le bol de thé devant lui. Un
proverbe lui revint en mémoire, comme une évidence: "Seule la feuille
verte apaise la montagne". Il vida, cérémonieusement, son bol de thé,
quitta la pièce, remit ses chaussures puis replongea dans la ville.
Bleu, marron, marron, bleu, silence et sérénité retrouvés....dans un
simple bol de thé.

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